La constance perceptive est la faculté qui fait possible l’invariabilité dans un monde où tout est changeant. Elle est chargée de faire que le système perceptif des personnes résiste aux variabilités, parfois agaçantes, de la réalité physique, comme par exemple les changements de lumière ou les conditions physiques de perspective (dues à la mobilité du globe oculaire, au fait de tourner la tête, etc.). Notre cerveau est celui qui nous fait reconnaître quelque chose comme invariable, même si cette chose est soumise à des variations physiques et de lumière. Ainsi, bien qu’une personne soit éloignée de nous, nous n’allons pas croire qu’elle est minuscule, ou même si on ne voit jamais les tables rondes d’un point de vue zénithal, nous allons toujours considérer que ces tables sont sphériques, jamais elliptiques. Nous allons également estimer qu’une couleur est d’une certaine façon, même si les changements d’illumination puissent lui accorder des différences.
Néanmoins, cette habilité n’est pas innée : elle se développe des mois après notre naissance. C’est-à-dire, à la naissance nous sommes capables de détecter ces différences, mais peu à peu on apprend à les ignorer afin de pouvoir reconnaître les objets et organismes comme invariables, même dans des conditions changeantes.
À ce moment, nous devenons incapables de détecter des différences qu’un bébé de jusqu’à quatre mois pourrait différencier avec facilité. Ainsi, notre cerveau ignore des différences et en détecte d’autres différemment d’un bébé. Un bébé pourrait différencier facilement l’intensité des pixels de certaines images, par exemple, tandis que pour le reste de personnes cela serait impossible de détecter. Par ailleurs, les adultes peuvent voir plus clairement des différences telles que l’opacité ou la brillance, des qualités qu’un bébé ne pourrait pas identifier correctement.
Dans une étude paru le mois de novembre dernier dans la revue Current Biology, une équipe de psychologues de l’Université Chuo de Japon, avec Jiale Yang en tête, a mené à terme une étude avec 42 bébés âgés d’entre 3 et 8 mois, avec le but de déterminer quelles étaient les différences que les bébés pouvaient détecter dans des paires d’images représentant des objets réels en 3D.
Lors de recherches préalables, on avait déjà déterminé que les bébés posaient ses yeux plus longtemps dans des objets qu’ils considéraient différents. Ainsi, les spécialistes ont pu savoir, selon l’image que les bébés regardaient plus longtemps, s’ils croyaient qu’une image était similaire ou différente par rapport à l’image précédente. C’est-à-dire, si un bébé posait ses yeux plus longtemps sur la première image que sur la seconde, on pouvait affirmer que la deuxième image l’ennuyait. En revanche, s’il regardait pendant la même période de temps toutes les deux images, on pouvait affirmer que la deuxième image l’avait surpris et intéressé autant que la première.
Les résultats ont révélé que les bébés âgés de 3-4 mois ont une capacité surprenante de détecter des différences causées par l’illumination et la perception, pas évidentes pour les adultes. Les bébés perdent cette capacité environ les 5 mois, et vers les 7 ou 8 mois ils développent les capacités de distinction de surfaces (opacité, brillance…). Cette différenciation des propriétés des surfaces n’est pas le seul domaine perceptuel où l’on quitte la réalité pour accepter une illusion. Nous perdons également la sensibilité devant les différences objectives et la remplaçons pour l’habilité de détecter similitudes subjectives, ce qui aide à nous intégrer dans notre environnement, mais qui nous éloigne de la réalité strictement physique.
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